Cela fait une dizaine de jours que je suis rentré.
Je suis parti plus d'un mois durant lesquels j'ai fait environ 10 000 km.
Chose inhabituelle, je vais commencer mon récit par la conclusion et quelques infos pratiques qui j'espère seront utiles pour ceux qui voudront y aller.
Je n'ai pas posté plus tôt car jusqu'à peu il m'était impossible d'avoir les idées claires sur ce voyage, trop d'émotions se bousculaient encore dans ma tête. Je commence juste à atterrir. Peut-être qu'à la fin de mon compte rendu mon avis sera légèrement différent.
Je vais évacuer tout de suite le côté technique.
Je suis parti avec ma fidèle 800 GS, mon train de pneu fétiche Mitas E10 Av et E07+ Ar. Sur l'autoroute jusqu'au Danemark et au retour j'ai mis la pression constructeur et j'ai limité ma vitesse à 120 km/h pour préserver au mieux les crampons. Une fois sur l'ile, j'ai mis 1,8 bar tout le temps et 1,5 bar dans le sable mou. J'ai surtout fait de la piste. Les pneus ont parfaitement fait le job et ne sont pas complètement usés. Je dois pouvoir encore faire 2 ou 3000 km avec avant d'être aux témoins.
Pour la moto, aucune préparation particulière à part une très grosse révision et le remplacement anticipé de tous les consommables. C'est qu'elle est déjà depuis longtemps "ready to travel"!
Question bagages, j'ai pris mon kit standard "pays froids" auquel j'ai rajouté 3L d'huiles pour pouvoir vidanger le cas échéant si je venais à noyer la moto. Ce n'est heureusement pas arrivé.
Justement, les gué. C'était ma grosse inquiétude parmi les difficultés techniques. Seul cela reste stressant, à deux, ou mieux à trois, une simple formalité. Enfin, presque. Une fois nous étions trois, de l'eau jusqu'à mi-cuisse et nous avons eu du mal à traverser tellement le courant était fort. On a renoncé direct de traverser à moto et pourtant Arnaud et Loïc sont enduristes. C'est la seule fois que j'ai fait demi-tour.
Cela m'amène donc à parler de l'autonomie. D'une façon générale, les 350 km de la GS sont suffisant sauf à trop trainer dans les terres du milieu où les stations essences brillent par leur absence. Evidemment, c'était bien mon intention! En ce qui me concerne, j'ai deux règles de base. Si je ne le sens pas, je ne passe pas et je contourne. Quand je pars pour un endroit perdu et réputé difficile, il me faut un plan B, le plus souvent pouvoir faire demi-tour. Cela suppose avoir assez d'essence. J'ai résolu le problème avec un rotopax de 10L que je ne remplis que lorsque c'est nécessaire.
Pour les cartes et la navigation, j'avais la carte papier Michelin et Osmand sur mon téléphone et je n'ai eu aucun problèmes.
Si je devais y retourner je ne changerai rien. La 800 est particulièrement bien adapté à ce type de voyage où il y eu un mix de tout, de l'autoroute, de la petite route, de la grosse piste sans difficulté et de l'off-road engagé, enfin, pour moi évidemment! Même chargée elle reste raisonnable pour mon niveau technique et permet de passer presque partout en s'amusant et sans trop se fatiguer.
Que dire de ce voyage?
Hors normes!
Très différent de tout ce que j'ai déjà fait. Je ne dis pas mieux ou moins bien car cela dépend surtout de la charge émotionnelle que l'on y met, mais très différent. Cela m'a marqué car je ne m'y attendais pas. Et c'est tant mieux! J'aime l'imprévu et la découverte en voyage. Et j'avoue, je n'ai pas été déçu!
Pourquoi différent? Tout d'abord parce que lorsque je voyage en moto, je fais partie de ceux qui aiment aligner des kilomètres avant tout. Cela m'amène en général à traverser pas mal de pays. Les passages de frontières, le changement de culture et de langue font pour moi partie intégrale du voyage. Or ici, je suis resté dans le même pays qui plus est minuscule, 300 km sur 350km. Un timbre-poste à l'échelle continentale! Cela peut paraitre étonnant, mais une fois sur place cela a beaucoup conditionné mon parcours.
Différent aussi à cause de cette pause obligatoire de deux jours dans le ferry. Au départ je voyais cela comme une contrainte, une perte de temps qui me permettrait juste de lire un bon livre. Rien de tout cela. Je n'ai pas lu une seule page! Au contraire, j'y ai découverts beaucoup de gens, eu des échanges passionnants et là aussi ces rencontres ont radicalement transformées mon voyage.
Différent aussi dans l'esprit. D'habitude la moto ou la voiture, puisque je voyage aussi pas mal en voiture, n'est qu'un moyen de déplacement. Ici et pour la première fois, la moto a été au centre de ce voyage. Je voulais aller sur les pistes de l'intérieur pour le plaisir de rouler dans ces décors grandioses.
Enfin, pour la première fois je devais faire une partie de mon voyage seul et ensuite retrouver mes deux comparses Arnaud et Loïc qui venaient me rejoindre. Jusqu'à présent, soit je voyageais seul, soit avec des amis mais jamais les deux à la fois. Et là ce fut le choc. Encore une expérience très enrichissante. J'ai une fois de plus appris beaucoup de choses sur moi.
Alors l'Islande, j'en pense quoi?
Je vais avoir beaucoup de mal à décrire ce que j'ai vu vécu et ressenti car mon stock de qualificatifs dithyrambiques est limité!
En un mot exceptionnel!
Une chose est sure, l'Islande ne peut laisser indifférent. On adore ou l'on déteste, c'est au choix. Et vous l'aurez compris, j'ai adoré!
J'ai adoré parce que j'y ai trouvé exactement ce que j'étais venu chercher. L'idée d'aller en Islande s'est imposée à mon retour du Cap Nord. J'y avait trouvé la nature grandiose mais trop lissée, trop civilisée. J'avais envie de plus, d'une nature plus sauvage, plus brutale. Et l'Islande est exactement cela!
Ce voyage a été en permanence une sorte de défi entre la nature, la moto et moi. Quand je dis nature, ne pensez pas uniquement les paysages mais aussi la météo. En Islande, la météo est LE paramètre déterminant qui peut tout remettre en cause, rendre le moindre déplacement infernal et perturber définitivement tous vos plans. Dans cette confrontation on perd souvent et la seule possibilité est de composer avec, de s'adapter. J'ai néanmoins eu beaucoup de chance, j'ai eu quinze jours de soleil et de ciel bleu en pleine période de canicule … islandaise c’est-à-dire aux alentours de 15°C.
Mais cela a un prix.
Ce voyage a été le plus souvent une confrontation voir un combat. Tout d'abord contre moi-même. J'ai dû remettre beaucoup de choses en question, aller au-delà de ce que je pensais être capable de faire. Ce voyage, comme tous les autres m'aura beaucoup appris sur moi une fois de plus.
Combat contre les éléments naturels que sont la météo et le terrain. Quand on est perdu au milieu de nulle part sans réseau il faut rester prudent, faire des choix, se préserver pour éviter l'accident et continuer le voyage.
Combat avec la moto car elle a beaucoup souffert, comme tout le matériel en général. Je l'ai vraiment sollicité et lui en ai demandé beaucoup . A certains moments j'ai eu plus l'impression d'être dans un shaker géant que sur ma moto. Cela a secoué, tapé, balancé, virevolté, zigzagué. Je suis tombé, je me suis ensablé, j'ai juré de nombreuses fois et ai beaucoup transpiré. Dans ces moments-là, évidement la première idée est qu'elle est trop lourde, pas assez ceci ou trop cela. Mais au final, tout cela est vite oublié. Et entre nous deux, c'est une histoire d'amour de plus de 100 000 km et ce n'est pas prêt de changer. Elle a été exceptionnelle!
Mais attention, n'en déduisez pas que je n'ai fait que galérer, non, bien au contraire. Il y a eu énormément de moments magiques et inoubliables. Mais c'est vrai que les plus belle récompenses ont souvent été mérités et se sont payé au prix de gros efforts car souvent difficilement accessibles.
Les pistes sont classifiées en trois catégories, les pistes normales, accessibles en berline, les pistes F réservées aux 4x4 à cause des gués et les pistes réservées aux supers jeeps qui parfois sont réellement difficiles.
Les supers jeeps c'est ça, avec des pneus de 46 pouces … ma GS n'a que du 21!! Comparez par rapport au Duster et même au Defender. Et pour en avoir essayé une durant une journée, croyez-moi, ce n'est pas un gadget. C'est super efficace et tout semble si facile au volant. Quand je suis remonté sur ma moto … et bien .. là ce fut une autre histoire!
Mais l'Islande c'est aussi cela.
Beaucoup de gens ne circulant que sur la route principale ou les gravels roads sont frustrés de ne pouvoir accéder à ces endroits reculés qui sont le cœur de l'Islande. Si vous ne vous sentez pas d'affronter les pistes réservées aux super jeeps avec votre moto, il y a toujours la possibilité de faire certaines parties en "bus local". C'est ce qu'a fait le couple d'allemands en GSA qui ont garé leur moto à côté de la mienne dans le ferry. Régulièrement ils partaient en excursions organisées à l'intérieure des terres.
Au final, qu'est-ce que je retiendrais de ce périple?
J'avoue qu'avant de partir j'avais un peu peur. Peur de l'afflux de touristes chaque année plus grand. Je voulais aller en Islande pour me mesurer à cette nature sauvage, pas pour me retrouver noyé dans une masse de touristes.
Et bien je n'ai pas été déçu, loin de là! Mais je dois avouer que je n'ai pas posé mes roues dans les grands lieux touristiques. Et en dehors des endroits connus et réputés, l'Islande est … quasi déserte …
Il me reste néanmoins cette étrange sensation d'avoir passé un mois dans un immense parc d'attraction pour aventuriers en herbe en mal de sensations fortes.
Pourquoi? Parce que l'on peut très facilement se retrouver au milieu de nulle part, choisir son niveau de difficulté et cela en relative toute sécurité. Il y a des pistes pour tous les goûts, quel que soit le type de moto, seul ou en duo et quel que soit le niveau du pilote. La route n'est jamais très loin et l'ile toute petite. On peut facilement faire des sauts d'un endroit à un autre, comme si on allait d'une attraction à une autre. Le réseau téléphonique n'est jamais très loin non plus et donc les rangers facilement accessibles. Et tout cela dans un pays européen avec le niveau de confort et de service, notamment de santé, qui va avec.
Je casse peut-être le mythe, mais c'est ce que je ressens. Pour s'en rendre compte, Il n'y a qu'à regarder les véhicules qui descendent du ferry …
C'est plus qu'une sensation. C'est aussi ce qui ressort de mes discussions avec les rangers. Plusieurs fois ils ont beaucoup insisté en nous demandant si nous avions le niveau technique pour affronter telle ou telle piste. Ils sont très professionnels, très pédagogues et même parfois très drôle. On a bien rigolé avec une jeune ranger au gué de la Linda … mais c'est une autre histoire.
Ils sont de plus en plus sollicités pour aller récupérer des inconscients qui s'engagent sur des pistes sans y être préparés.
Du coup ils s'adaptent, expliquent, distribuent des dépliants avec les principales consignes de sécurités. Une fois ils ont même essayé de nous dissuader d'y aller.
C'est une des conséquence du tourisme de masse qu'ils développent et qui devient un vrai problème au niveau du pays. Pour eux, le principal fléau sont les loueurs de 4x4 et de moto qui se développent rapidement. De plus en plus de gens louent essentiellement des 1200 GS et s'imaginent qu'ils vont passer partout car ils ont "THE" trail le plus efficace du marché.
Idem pour les refuges, de plus en plus sont fermés avec des digicodes. Pour y rentrés il faut appeler les rangers qui donnent la combinaison en cas de réelle nécessité. Pourquoi? Parce que trop de touristes les utilisent comme logement gratuit. Cela circule sur les réseau sociaux et à ce petit jeu la palme revient … aux français et aux italiens. Triste record.
Rien n'est parfait, mais que cela ne vous dissuade pas d'y aller. Au contraire. Je trouve que c'est une destination idéale pour qui veut s'initier aux voyages off-road sous toutes ses formes.
Dans la suite, j'essaierai de donner mon ressenti sur le niveau de difficulté des différentes pistes que j'ai pris pour ceux qui voudraient tenter l'aventure. Evidemment, ce ne sera que mon avis subjectif. Je ne suis pas enduriste et de toute façon, la difficulté dépend de beaucoup de paramètres dont en premier la météo.
Alors si cela vous intéresse, je vous invite à me suivre ici
A suivre ...