Oct. 8: Omelette et AkrapovicAu petit matin à Imilchil, je croise Bil. Il y a une chose qu'on n'a pas encore narré ici, c'est la suivante. Là où "Master Moose" dit qu'il ne mange pas tout en faisant disparaître la bouffe plus vite qu'un trou noir absorbe la lumière, Bil nous dit qu'il a besoin de manger souvent. Comprendre, environ toutes les heures. Et si Bil ne mange pas beaucoup, quand il ne mange pas au bon moment, il n'est pas content.
Voilà d'ailleurs deux photos de Bil, celle du haut avant son repas, celle du bas ensuite
Celui qui a dit "Hé? C'est toi le petit gros aux cheveux longs que Bil étreint après avoir mangé?", tu sors! Oui maintenant, tout de suite, tu te casses et tu reviens pas! Sinon je t'arrache les yeux du crâne à la petite cuillère et je te viole les orbites!
Reprenons. Donc, sachant que j'ai tendance à aimer baffrer moi aussi, Bil et moi nous mettons à la recherche de bouffe, faisant appel à nos instincts de chasseurs profondément enfouis. On n'a pas eu à chercher loin, la bonne nourriture ayant comme sale habitude d'attirer le goinfre à grand coup de fumet irrésistible. On s'est donc posé en face de l'hôtel, où une charmante autochtone nous propose une espèce de crêpe. Un truc qui ressemble à un pain indien Nan, mais un peu feuilleté, un peu dégoulinant de beurre.
Mais grands dieux, quand on l'a bouffé. Avec du beurre, de la vache qui rit, voire comme ça, nature. Le fumet magique ayant attiré Zoom, Loulou, Midi134, et même "Master Moose", je pense qu'on a englouti la moitié de la production céréalière de la province d'Imilchil ce matin là. Même Master Moose, qui, comme chacun sait, ne mange jamais le matin.
J'ai trouvé une recette sur le net, je vais la tenter. C'est çà: http://www.cahierdecuisine.com/recettes/M-semen-le-kouign-amann-berbere-8955.html#.Viu1S6I2Jsk
Un passage au mécano du coin, qui démonte et re-règle les carbus de la brèle de Loulou35. Il en profite pour virer des espèces de sand stop qui étaient collés sur les entrées de la boite à air, et ne laissaient presque plus passer d'air.
11h du mat, on décolle par la route pour rejoindre les gorges du Dadès. Tissila, Aït Amar, Timarirhyne puis Agoudal. Debut de la piste, bien roulant, pour l'instant, on dirait qu'on ne monte pas trop
On se lâche un peu sur les pistes, Bil se lâche un peu trop dans un creux, et arrache sa plaque d'immatriculation avec sa roue arrière. Heureusement, papy veille et nous ramène la plaque sectionnée à la pause clope suivante.
On se pose pour bouffer à un endroit improbable, au milieu de nulle part, où le gars nous propose une omelette berbère. Je vous donne la position, leur omelette est très bonne: 31°58'33.87"N, 5°34'25.28"O
Bon par contre, visiblement, là où quelqu'un normal casse les œufs, dans ce bled, ils choisissent de
- d'abord incuber l’œuf pour en faire une nouvelle poule
- ensuite attendre que la nouvelle poule soit en âge de pondre
- attendre la nouvelle ponte
- casse les œufs de la nouvelle ponte.
Ce qui fait que je jure, l'omelette Berbère, c'est extrêmement bon,mais bordel que c'est long à faire. Je viens de consulter les traces GPS, pour manger deux omelettes, on a passé 1h 50. Oui presque deux heures pour une omelette. C'est dire si c'est bon.
Donc que font des hommes, des baroudeurs, des vrais, quand ils attendent pour manger?
Quoi, qui à crié "ils s'en....."? Toi? Je t'avais pourtant promis un sort funeste si tu revenais. Je te donne encore une chance, disparaît dans une dimension parallèle! Sinon, je répète ce que tu as dit au boucher du Gers, et il va jouer la 5ème de Beethoven avec tes nerfs, qu'il aura précédemment sorti de leur logement avec une pince bécro rouillée.
ON REPREND! Donc, les baroudeurs
réfléchissent à la mécanique. A savoir, pourquoi cette conne de Super Ténéré à Loulou, malgré deux nettoyages de carbu a toujours du mal à prendre ses tours. Loulou nous dit, "j'arrive pas à dépasser les 3000 tours minutes"
Avec Akim, on réfléchit: le carbu est propre, le filtre à air aussi, serait-il possible que son tube de collecteur écrasé, en bloquant l'écoulement des gaz d'échappements, bride son moteur? Peut-être en libérant son collecteur avec un petit trou avant l'écrasement, pour tester?
Manque de chance on a réfléchi à voix haute, et Loulou a entendu. Bon, il a juste raté un mot, c'est "petit"
On se tourne a l'abri du vent pour allumer une clope, et là c'est bizarre, le briquet fait un gros...
CLONG!On se tourne, et là, on a juste le temps de voir Loulou, le bras bien armé en position haute, tenant un marteau. L'autre main, tenant un tournevis plat, posé sur le collecteur...
CLONG!"Ca ira?" qu'il nous dit?
S'ensuit un grand silence, au bout duquel on a juste pu répondre "bon, ben au moins, si ça ne marche pas mieux, on saura que c'est pas parce que le trou est trop petit..."
Loulou démarre sa mob, et là. Là... Vous voyez le bruit d'un Akrapovic? Bon, maintenant imaginez que vous faisiez une piqûre d'amphétamines à un Akrapovic, tout en nourrissant la moto à base d'un mélange de Kérosène, et de Viagra, et vous arriverez à peu près au bruit de son truc.
C'est simple, je pense que la poule qui était en train de pondre les œufs de nos omelettes est morte, ou a fait une fausse couche.
Loulou va tester, apparemment très loin, car il a réussi à dépasser une distance suffisante pour qu'on ne l'entende plus. Il revient avec un sourire jusqu'aux oreilles, et nous lâche:
"wouah les mecs, non seulement j'arrive à monter à 6000 tours minutes, mais en plus le bruit est divin!"
Bon, pas forcément le qualificatif que j'aurais choisi, mais bon, si ça roule...
On finit par manger nos omelette, Bil qui est en mode "j'ai encore faim" en commande une autre. Bon, ça a du contribuer aux presque deux heures passées sur place.
On repart, sur la piste le long des gorges du Dadès. Cette piste est sublime, les paysages sont jouissifs, l'altitude atteint 2904 mètres, c'est le point le plus haut que j'aurai atteint avec ma moto, jusqu'à présent.
C'est là par exemple qu'Akim a pris ces photo
(Akim, si ça te gène que j'utilise ces photos, tu me dis et je remplace par une des miennes. Mais je les trouve bien représentatives de l'ambiance)On redescend de l'autre côté, les yeux fracturés par la beauté de l'endroit, et on s'arrête dans un village (Aït Moussa Wichou) dans lequel les autres font une distribution de ballons, stylos, feutres et cahiers, à des hordes de minots courant dans tous les sens avec des sourires plus larges les uns que les autres.
J'ajoute deux anecdotes avant de raccrocher la journée:
1) le groupe s'étire et se recompose sans arrêt selon le niveau et la forme des pilotes. Donc à un moment, pendant la descente, j'ouvre la route devant Midi134, Bil, Zoom et Loulou.
Au détour d'un virage en épingle, je regarde en haut de l'épingle, et là surprise, je ne vois personne descendre. Je coupe le moteur, et j’attends, en profitant pour faire des photos.
Je garde un oeil vers le haut de la piste, et je ne vois toujours personne descendre. Au bout d'un moment, j’entends un poum poum venant de la vallée, et je vois Midi134
monter à ma rencontre. Je me repasse le film des 3 derniers kilomètres dans la tête, car je ne comprend ni comment j'aurais pu me perdre, ni comment ils auraient pu me doubler.
Quand ce vieux couillon arrive à mon niveau, au lieu de m'expliquer, il rigole. Il rigole tellement qu'il n'arrive plus à parler. Je suis descendu dans la vallée, un peu troublé, et n'ai eu l'explication que bien plus tard. Ces salopards ont repéré un passage trial pour couper entre deux ou trois épingles, l'ont pris après que je soit parti devant, et du coup se sont retrouvés loin devant moi. C'te bande de tricheurs...
2) après avoir distribué les stylos, on repart et on traverse le gros village de Timli. Je roule tranquille sur la route, et là...
PAN!Un gros coup de feu, juste à côté de moi. Je reconnais le bruit, j'ai fait du tir étant jeune. Je me dis qu'un gars devait chasser pas loin.
Entrée du virage suivant...
PAN!Bordel, on se fait tirer dessus ou quoi?
PAN!C'est pas possible, le bruit est toujours aussi fort, alors qu'on roule. C'est pas possible, c'est pas lui quand même?
PAN!Ah ben si, c'est Loulou, qui roule
cent mètres devant moi. Son Akrapovic était mieux réglé en montagne, dans la vallée, ça fait
un peu de post combustion.
PAN!Instinctivement, j'ai baissé la tête, des fois qu'une de ses soupapes soit tirée vers ma tête par son échappement...
Fin de la journée, Akim et Master Moose nous trouve une auberge camouflée à l'écart de la route, au bout d'une piste. Le truc semble fermé, mais ça se réveille à notre arrivée. On nous ouvre un garage pour ranger toutes les mobs.
Juste a temps, car un deuxième groupe de motards arrive, avec un quad, une Africa Twin, une KTM1290 Adventure flambant neuve (le gars l'a achetée sur un coup de tête 2 semaines avant le voyage) et une GS1200 tellement équipée qu'on aurait dit que tout le catalogue Touratech lui avait été vomi dessus.
Les 4 gars étaient collègues de travail. Ils sont arrivés couverts de boue, et n'avaient selon leurs dires pas vu une douche depuis 4 jours
On les avait grillé au garage, du coup, on les a aussi grillé à la douche, personne n'ayant envie de passer dans la douche après eux
A noter, un lieu très sympa, un peu cher (car on n'a pas discuté le prix en arrivant mais en partant, erreur de débutant!), des douches où l'eau chaude est faite au feu de bois! Position: 31°45'32.76"N, 5°47'45.19"O
Après un couscous géant, j'ai dormi dans un salon berbère, sur un des sofas. Emmitouflé dans deux couvertures, avec la porte ouverte et l'air glacial des montagnes sur mon visage. Le bonheur (enfin, selon mon référentiel. Si tu aimes le Hilton, passe ton chemin)
Si seulement j'avais pas cette hanche en vrac, et cette saloperie de bronchite qui me fait réveiller toutes les heures. Ça fait bien deux semaines que j'ai pas dormi normalement.