Carnet de voyage
J'ai rêvé d'être Christophe Colomb ! Aujourd'hui c'est le jour grand jour ! Enfin ! Après 7 mois sur le sol Africain, je m’apprête à embarquer sur le Grande América, cargo marchand de la compagnie Italienne Grimaldi, afin de traverser l'océan Atlantique et de rallier le continent Sud-Américain. J’aurais évidemment préféré traverser en voilier mais je n'ai trouver à Dakar, aucun bateau capable de nous emmener, ma belle et moi. Je me suis donc rabattu sur un cargo, chère et beaucoup moins romantique ! Cette traversé s'avérera tout de même une bonne expérience, bien qu'un peu longue, mais sur la mer aussi, qu'importe le flacon pourvu qu'on ai l'ivresse !Nous sommes lundi 27 février 2012, il est 8h du matin lorsque mon réveil sonne ! Je me lève avec joie ce matin là, car ça y est, aujourd'hui je pars ! Non pas que je souhaite réellement quitter l'Afrique, mais j'attends depuis une semaine complète l'arrivé du cargo dans le port de Dakar et une semaine à attendre avec les valises prêtes à partir à tout instant, c'est long... Et puis l'ambiance à Dakar en ce moment n'est pas vraiment à la fête, les élections présidentielles ce sont déroulées hier et Maître Wade, président du Sénégal depuis 12 ans, s'est représenté illégalement et cela a suscité logiquement de grandes manifestations dans le pays... Je me suis bien gardé de me joindre à celles-ci qui ont malheureusement fait plusieurs morts. La police, dirigée par Mr Wade, a en effet affronter à mainte reprise la population et en à découlé, cris, pleurs, révoltes, et haines en vers le chef de l'état. Est-ce tout cela est encore normal au 21e siècle... ? Je ne m'aventurerai pas sur ce sujet car je risquerai de m'emporter... Je quitte donc aujourd'hui le Sénégal, laissant le pays à feu et à sang, comme un lâche, je quitte le champs de bataille avant la fin de la guerre. Mais ce n'est pas ma bataille, ce n'est pas ma guerre. Mon combat est ailleurs, vers une terre Sud-Américaine : l'Argentine !
Après avoir fait mes adieux au CVD, je me présente donc au « mole II » du port de Dakar vers 10h, comme convenu avec la compagnie pour faire les papiers de sortie de territoire et embarquer à bord du cargo. Évidemment, rien ne ce déroule comme prévu, l'agent de la compagnie Grimaldi qui doit s'occuper de tout ça, n'est pas là et je dois me débrouiller seul pour gérer l'administratif de sortie du pays et pour monter à bord ! Ah... Ces sénégalais... !!! Mais finalement c'est bon, je suis sur le quai, mes papiers en poche, et la moto chargée prête à partir. C'est là que j'apprends que la rampe de chargement du cargo est en panne... Elle ne veut pas descendre... Il faut pourtant décharger le cargo de ses conteneurs, voitures, et autres marchandises pour en recharger d'autres et pouvoir prendre la mer. Il est 11h30 du matin, mon attente commence.... Je suis au pied du navire, et je dois dire que je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si grand ! Vraiment très grand ! On dirait un immeuble de 10 étages de haut sur 200 mètres de long... Un monstre ! Mais un monstre en panne... Alors je prend mon mal en patience et je fait les 100 pas. Puis 100 autres. Et encore 100 autres. Heureusement, j'ai appris à être très patient en Afrique. Rien n'arrive jamais à l'heure et les montres Africaines, c'est sur, ne sont pas Suisses ! Lorsque que vous avez un rendez-vous Africain, prévoyez toujours d'être au minimum une à deux heures en retard pour être à l'heure!
Il est un peu plus de midi maintenant et la rampe s'entrouvre comme pas magie... Il faut désormais décharger, puis recharger. Je me dis que cela devrait prendre 2 ou 3 heures... Et bien non ! A 19h30, les ouvriers terminent et je peut enfin poser un pied sur le bateau ! Une semaine et 8h d'attente pour embarquer ! Heureusement que je ne suis pas pressé ! Je gare ma moto à ce qui me semble être le 2e étage, j'apprendrai par la suite qu'il s'agit en fait du 6e... Quand je vous dis que le bateau est immense, je pèse mes mots ! Je regarde une dernière fois la ville de Dakar du haut du pont. Petit moment de nostalgie de tous les instants magiques vécu dans ce pays. Je regrette de quitter l'Afrique sans en avoir découvert d'avantage. J’aurais aimer descendre jusqu'en Afrique du Sud et traverser ce continent du nord au sud, mais mon budget ce réduisant à vue d’œil, je me dois de partir et d'aller trouver une petit boulot en Argentine, ce qui est impossible en Afrique pour un blanc de passage.
Je quitte le grand pont pour rejoindre le restaurant du bateau, j'ai terriblement faim, il est déjà 20h30 et je n'ai quasiment pas manger de la journée. Je me rassasie goulûment, pâtes en entrée, puis poisson, puis viande avec légumes, puis fromage, et pour terminer, une pomme ! Je suis plein et je confirme les renseignements que j'avais lu sur les restaurants de la compagnie, ils ne lésinent pas sur la quantité, ni sur la qualité ! Un très bon point de rattrapage après cette journée d'attente sur le quai. L'on me présente ensuite ma cabine ou j'y passe ma soirée et ma nuit, à dormir ! Un vrai matelas ! Ça fait des semaines que je n'ai plus connu ça !
Toc, toc, toc !........ Toc, toc, toc !!...........Toc, toc, toc !!!
- Hummmm....... Qu'est qu'il y a ?
- It's the morning sir ! The breakfast is ready !
- Quoi !?!?
- It's time to wake up, it's 8 o'clock !
- Attends, attends, attends ! Tu viens me réveiller si tôt, pour me dire que le ptit déj est prêt ???
- Yes sir, and for clean your bed-room !
- What... ? But my bed-room is clean, i am arrived yesterday evening !
- Every morning i clean all bed-rooms and the breakfast is of 7 o'clock at 9 o'clock !
- Ok, ok, ok. c'est bon, 2 minutes please !Et voilà comment je me suis retrouvé sur le palier de ma cabine, le premier jour, à 8h05, les yeux collés et la bouche pâteuse avec une grosse envie d'envoyer chier le stewart ! Mais je ne suis pas vraiment du genre matinal et me prendre la tête avec lui dès le réveil, surtout en anglais, ne me disait rien du tout! Je me suis donc exécuté et j'ai rejoint la salle de restaurant pour y prendre, mon breakfast ! Je rejoins alors la table des passagers, facilement reconnaissable puisque ce sont les seuls personnes qui ne sont pas en uniformes, et j'y fait la connaissance de Katja, Christian, Julgen, et de Mr et Mme Glerk. Tous Allemand ! Où presque, Christian est Suisse-Allemand ! Ils ont tous embarqués à Hambourg il y a déjà 3 semaines de ça. Me voilà donc à bavarder en anglais avec tous ce petit monde, à peine 5 minutes après m'être fait réveiller. Pour info, je déteste me faire réveiller le matin! Et je déteste parler le matin au réveil ! Surtout en anglais ! Ce premier jour à bord commence donc merveilleusement bien ! Je m’acquitte de cette tâche difficile et prend laborieusement mon petit déjeuner. Dès que j'ai terminer, je me précipite sur le pont pour prendre l'air frais de l'océan et admirer pour la première fois l'horizon. Le cargo est parti de Dakar dans la nuit et nous voilà désormais sur l'Atlantique avec de l'eau à perte de vue sur 360°.
Je prends mon temps pour faire le tour des ponts du navire et apprécier la vue sous tous les angles. Ils y a 3 ponts supérieurs, le grand pont qui fait 94 mètres de long et qui fait quasiment la largeur totale du bateau, un hélicoptère peut même si poser ! Puis il y a ce que j'appelle les passerelles, qui sont 2 ponts latéraux de chaque cotés du cargo à un étage inférieur et qui mesure environ 30 mètres de long pour 5 mètres de large. Y sont installés les 2 canots de sauvetages qui peuvent accueillir 42 personnes chacun. Le grand pont sert principalement à entreposer des voitures d'occasions venant d'Europe à destination de l'Afrique pour y démarrer une seconde vie. La cabine de pilotage est à l'avant du grand pont et domine toute la partie avant du navire qui mesure 112 mètres à partir de cette même cabine et ou sont entreposer des dizaines de conteneurs. Ce bateau mesure donc 206 mètres de long, 57 mètres de large et 35 mètres de haut!
Immense je vous dis ! Et que dire de son poids ? Plus de 27 000 tonnes !!! Je me plein des 300 kg de ma moto une fois chargée mais là franchement c'est démesuré. 27 000 tonnes !!! Il faut un sacré bourrin pour faire avancer ce monstre des mers et j'ai eu le chance de le voir ! Je suis descendu dans la salle des machines pour y voir le plus gros moteur que je n'avais jamais vu. Un bloc Diesel 2 temps 7 cylindres en ligne ! Incroyable ! Je ne savais même pas que cela existait des Diesels 2 temps ! Et 7 cylindres en ligne, c'est étrange comme construction motorisé !
Je suis scotché devant ce monstres de puissance de 17 000 chevaux !!! Le bruit dans la salle des machines est assourdissant ! L'on me donne des boules Quies mais l'on a pas la chance d'entendre un tel engin tourné à 120 Tr/Min tous les jours alors je les laisse soigneusement dans leur boite et profite du sifflement du moteur. Le son qu'il dégage ressemble à un son de compresseur suralimenté où à celui d'une turbine d'hélicoptère !
Il est impossible de communiquer avec une personne juste à coté de vous tellement il est bruyant, même en hurlant ! Réellement bluffant !
Le bloc moteur mesure environ 10 mètres de long, 5 mètres de large, sur 15 mètres de haut ! Imaginer la taille du vilebrequin ! Gigantesque ! J'aperçois un piston dans un coin de la salle, je m'approche et je m’aperçois qu'il est quasiment aussi grand que moi en hauteur ! Et aussi grand qu'une roue avant de moto de 21 pouces en diamètre et munit de 6 segments! Démesuré je vous dis ! L'un des mécano m'indiquera qu'ils peuvent changer un piston du bloc si jamais il y a besoin sans même couper le moteur !
Je ne comprend pas bien comment et son explication en anglais me laisse un peu perplexe mais apparemment c'est possible ! Ils doivent pouvoir désolidariser l'un des cylindres du vilebrequin pour effectuer l'opération.
Mais j'ai eu beau réfléchir à cette technique pendant plusieurs heures, je ne comprend aujourd'hui toujours pas comment c'est possible. J'aurais adoré voir ça ! Au bout de 30 minutes dans la salle des machines à observer le moulin, je commence à avoir vraiment trop chaud. Il fait plus de 50°C et même si la salle est ventilée, la chaleur est oppressante. Les mécanos se relaient d'ailleurs pour l'entretien, environ 2 heures par personne, ce qui est déjà un exploit !
Ce moteur mérite une attention de tous les instant et des hommes le surveille 24 heures sur 24 depuis la salle de contrôle des machines placée juste au dessus du bloc. Températures de chaque cylindres, de chaque échappements, de l'huile « ultra lourde », contrôle du flux de refroidissement (circuit ouvert refroidit par eau de mer!), contrôle du débit de carburant par cylindre (consommation journalière du moteur : 60 tonnes de Diesel...!!!), vitesse de rotation de la transmission, etc...
Un moteur vraiment très impressionnant permettant de propulser le cargo à la vitesse vertigineuse de... 30km/h ! 35 en pointe avec le vent dans le dos... Avoir 17 000 chevaux pour avancer à 30 km/h, c'est vraiment ridicule !
Mais le rapport poids/puissance s'applique à tout engin motorisé et là, il ne joue pas en sa faveur ! 30 km/h (environ 17 nœuds nautiques) est l'une des vitesses moyenne les plus rapides des cargos marchands, alors je m'en contenterais ! Et puis pour admirer la vue du pont, cette vitesse est déjà trop grande !
Et quelle vue !!! Je n'ai jamais observé autant d'immensité toute de ma vie. Peu importe dans quelle direction je regarde, l'océan est sans fin. Calme, légèrement ondulé, d'un bleu marine contrastant avec le bleu lumineux du ciel. Il paraît sage, tranquille.
Aucun élément ne vient briser la ligne d'horizon.
Nous sommes seul sur l'atlantique. Aucun bateau en vue. Aucune terre à proximité. Nous voguons vers le Sud-Ouest avec la seul perspective d'atteindre l'autre rive à des milliers de kilomètres. Le bateau oscille de bâbord à tribord et d'avant en arrière aux grès des vagues, mais pas suffisamment pour me donner le mal de mer. Le ciel laisse entrevoir quelques nuages au loin, un léger clapot rebondit sur la coque de fer du navire et le soleil brille produisant une chaleur douce et agréable.
Je me laisse bercé en scrutant l'horizon, l'esprit rêveur et contemplatif. Je resterai ainsi des heures entières pendant ce voyage à laisser mon imagination prendre le large et me mener dans des contrées de mon cerveau dont je ne soupçonnait même pas l'existence.
Je suis happé par mes pensées. Je part dans des raisonnements improbables. Je réfléchis à des sujets qui me semblent important puis quelques minutes plus tard qui ne le sont plus du tout. Je divague. Je me noie dans mon inconscient et m’aperçois qu'en fait, je suis simplement heureux. Heureux d'avoir une longue réflexion sur moi même, une réflexion sur le monde qui m'entoure, une réflexion sur le vrai sens de la vie.
J'ai l'impression que l'océan ouvre des portes dans ma tête. Comme si cette immensité ressentait l'impératif besoin de venir bousculer mes idées confuses. Mon corps est sur le pont du cargo, mais ma tête joue à la surface de l'eau comme un dauphin lancer à la poursuite de la proue d'un voilier. Je rêve de cette terre que je foulerai dans quelques jours et que l'on nomme Amérique. Je pense aux premiers hommes qui ont traversés l'Atlantique sans savoir jusqu’où celui-ci s'arrêtait. Aucun autre instrument de navigation que les étoiles et le soleil. Pas de GPS, pas de repérage par satellite, pas de moyen de communication, pas même un canots de sauvetage et sans savoir combien de temps ils allaient mettre pour rejoindre l'Inde. Et leurs surprises quand ils s'aperçurent qu'ils venaient de découvrir une terre nouvelle.
La Grande América ! Je pense aussi à ceux qui l'on traversé plus ressemant en voilier, à ceux qui le traverse seul, vraiment seul, à la rame ou en pédalo ! J'imagine leur solitude pendant ces mois de mer et leur combat pour ne par perdre la boule. Moi qui au bout de quelques jours suis déjà presque maboule ! Il faut dire qu'il n'y a rien à faire sur un cargo en tant que passager et que l'on tourne vite en rond ! Heureusement, il y a un spectacle quotidien sur l'océan qui ne laisse personne indifférent et qui moi, me fait subjuguer de plaisir : le coucher du soleil ! Moment préféré de mes journées, il en marque aussi la fin. Tous les jours, vers 17h, je m'installe sur la passerelle tribord, dans une chaise longue, lunettes aux verres teintés sur le nez et appareil photos en mains, pour contempler cette œuvre d'art naturelle.
Chaque seconde est importante car à chaque seconde le tableau change. Les couleurs se succèdent et se mélangent. Les nuages offrent leurs plus beaux manteaux et l'horizon paraît soudain irréel. Comme si le ciel n'était plus le ciel mais qu'il devenait, le temps d'un instant, le messager du soleil. Et le message est clair, « Au cas ou je ne sois pas là demain, voici ce que je peu vous offrir de plus beau sur terre. » Et chaque soir est un vrai régal ! J'ai le sentiment que chaque coucher de soleil est plus beau que celui de la veille. Il est impossible de se lasser d'une telle représentation de beauté.
Chaque soir est unique et ne ressemble en rien aux couchés précédent. Les lumières sont exceptionnelles et inégales. Le plafond terrestre passe en quelques minutes du bleu ciel au blanc jaunit, puis du jaune pâle à l'orange flamboyant, et se transforme ensuite en un rouge démentiel qui laisse à mes yeux un souvenir indélébile. Les nuages reflétant ces couleurs deviennent à leur tour des toiles de peintures avec qui le soleil joue impunément.
Du gris au rose et du blanc à l'ocre, ils sont comme la cerise sur le gâteau, juste là pour sublimer. Le vent les chasses au loin et le soleil plonge vers la mer en quelques secondes. Il faut être attentif pour ne pas en perdre en miette, un tel élan de générosité de la nature ne peut être bafouer. Il faut profiter de chacun de ces instants magiques.
De cette vision du monde qui nous fait oublier absolument tout le reste, nous fait nous sentir vivant, et nous emplit d'émotion à l'idée que cette étoile, à des milliards de kilomètres, nous offrent peu-être son dernier spectacle... A moins qu'il y est une autre représentation demain !
Il est maintenant 18h, c'est l'heure de la bouffe !
Après s'être régalé les pupilles, il est temps de se régaler les papilles !
Je rejoins mes compères dans la salle de restaurant pour y déguster un repas digne d'un grand restaurant Européen. Le chef est Italien et cela se ressent dans sa cuisine. Les plats sont généreux et toujours bien cuit, à l'Italienne !
Les journées sont rythmées par les repas et les horaires sont strictes ! Petit déjeuner entre 7h et 9h, déjeuner à 11H, et dîner à 18h ! Des horaires de maisons de retraites... Au début j'ai eu du mal à mis faire, puis au bout de quelques jours je me suis habitué et attends même ses heures avec impatience. Ce sont les seules réelles occupations de la journée alors forcément tous les passagers trépignent à l'idée de passer à table.
Tous les repas commencent de la même façon, des pâtes en entrés! Compagnie Italienne oblige ! Et nous avons droit à toutes les sortes de pâtes possibles et imaginables. Spaghettis, Coquillettes, Tagliatelles, Tortellinis, Raviolis, Fusilli, Macaroni... Et le tout évidemment toujours accompagné de parmesan ! Puis nous passons aux premiers plats, généralement du poisson. Dorades, saumons, morues, thons, espadons, truites, merlans... Et parfois d'autres ressources de la mer comme des poulpes, des calmars, des petits crabes, et des fricassés de tout petits poissons que l'on mange entier et dont je ne connais pas les noms. C'est un vrai bonheur de manger diversifié, moi qui en Afrique mangeais relativement tout le temps la même chose, ce changement radical est très plaisant.
Mais voilà le plat principal ! Viandes et légumes à volonté ! Du bœuf, du porc, du mouton, du poulet, de l'agneau, même du cerf ! Tout y passe, nous sommes impitoyables avec la faune terrestre. Et les garnitures ne sont pas en reste. Pommes de terre, haricots, petits poids, carottes, aubergines, choux fleur, betteraves, épinards, concombres, céleris, tomates, poivrons... Nous avons droit à toute la panoplie !
Je me régal comme rarement je me suis régaler. Je profite de chaque repas comme si je n'avais pas manger depuis des semaines. Je reprends de tout, et je goûte à tout ! Les sauces accompagnatrices sont simplement divines, et la cuisson des plats toujours parfaite. Bien que trop cuite à mon goût pour le bœuf. Je l'aime saignant, parfois bleu, et même cru de temps en temps ! Hummm... Un bon steak tartare... J'en salive rien que de l'écrire !
L’Argentine dit-on, produit les meilleurs viandes de bœuf au monde ! Je vais m'en faire une cure intensive une fois sur place, au point de risquer d'éradiquer à moi seul l'espèce bovine ! J'ai grand hâte de poser mes fesses dans un restaurant Argentin et de commander une pièce de bœuf d'un kilo ! Mais revenons à bord et passons au fromage ! Italien bien sûr ! Gorgonzola, Pécorino, Ricotta, Bocconcini...
La encore l'assortiment est splendide et délicieux. L’Afrique étant très pauvre en fromage, je n'en ai quasiment pas manger depuis 7 mois. Alors encore une fois j'en profite sans aucune autre retenus que celle de la contenance de mon estomac. Arrivé à ce moment des repas, je suis rassasié ! J'ai manger pour 3 personnes et mon ventre me le fait comprendre... Mais il reste le dessert ! Glaces, salades de fruits, petites pâtisseries, où simples fruits.
Après ça, je peut rester un mois sans manger que je ne perdrai pas un gramme ! Mais dès le repas suivant, l'odeur qui émane des plats me chatouille les nasaux et l'envie de goûter à ces merveilles culinaires l'emporte sur ma volonté de freiner mon ingurgitation. Je reprend donc de tout, parfois même plusieurs fois, sans aucun scrupule. La vie est faite pour être dévorée à pleines dents, je m'y exécute aux pieds de la lettre !
Mais par peur de prendre trop de poids et surtout pour compenser mon arrêt provisoire de la cigarette, je fait 1h de sport intensif tous les matin ! Oui, je n'ai pris aucune cigarette sur le bateau pour ne pas en avoir la tentation. Pas même une petite roulée, pas même un petit pétard, pas même une petite goutte d'alcool de tout le voyage ! No cigarettes, no alcohols, no drugs, no sex, a real monk life!
Après 3 semaines à bord, il est temps que je remette pied à terre!!! Ma volonté est en ébullition et s'évapore comme eau au soleil ! Je rêve d'une Amsterdamer bien roulée ! Je rêve d'un Jack Daniel's bien frais ! Je rêve d'un cône de marijuana bien sèche ! Et je rêve d'une Sud-Américaine aussi bien roulée que la précédente Amsterdamer ! Alors pour contre-carrer tous ces péchés, je pousse la fonte tous les matins.
Une heure dans la salle de musculation du cargo. Abdominos, biceps, triceps, pectoros, fessier, cuisses, muscles dorsos, je fait travailler mon corps jusqu'à l'épuisement total. Je fais passer mes pulsions dans les kilos que je soulève. Mais au bout de 2 semaines, j'ai beau rajouter du poids sur les altères, mes envies ne maigrissent pas et j'ai hâte d'arriver à Buenos Aires !
Terre! Terre !! Terre capitaine !!! Enfin voilà l'Amérique ! Le Brésil plus précisément ! Nous voici au large de Vitoria dans l'état de Esperito Santo ! Nous jetons l'encre à environ dix kilomètres des côtes pour attendre l'autorisation d'entrer dans le port et y faire escale. Nous resterons là 2 jours avant de pouvoir rentrer dans la baie. La vue y est spectaculaire ! Des montagnes sortent de partout et de manières vraiment très inégales.
Ont est loin des falaises d'Etretat, même si celle-ci restent très jolie ! Ici, géographiquement, c'est l'anarchie ! Chaque montagne a poussée comme bon lui semblait, se foutant totalement du résultat esthétique. Mais inconsciemment, la nature a créée un paysage extraordinaire digne de nos rêves les plus fous ! Les plus belles côtes terrestres qu'il m'est été donné de voir jusqu'à présent ! Mais nous ne sommes pas à Rio de Janeiro encore ! Soit disant la plus belle baie du pays !
Nous resterons 24h à Vitoria, mais cette ville portuaire et industrielle n'a pas grand intérêt. Aucun guide touristique n'en parle, ce n'est pas une ville très attirante, outre le fait de ses côtes splendides. Avec Julgen, nous mettrons pied à terre mais ne resterons que 2 heures dans la soirée avant de remonter à bord. Le centre ville n'offre rien de bien intéressant et sans visas, nous ne pouvons nous aventurer trop loin du bateau.
Nous repartons de Vitoria le lendemain matin et visons désormais notre prochaine escale, Rio ! Nous nous éloignons à nouveau des côtes pour regagner les eaux internationales et faisons cap plein Sud. La température est toujours clémente mais baisse petit à petit que nous nos éloignons de l'équateur et que nous nous rapprochons du tropique du Capricorne.
Il est 6h du mat', le lendemain, lorsque je me réveille brusquement ! Je suis étonné, pas de vibration moteur, pas de bruit de soufflerie de refroidissement, pas de oscillement du navire. Sommes nous déjà à quai ? A Rio ? J'enfile vite un short et me précipite sur le grand pont. Le soleil se lève à peine (le couché de soleil d'hier soir n'était donc pas le dernier...) et j'aperçois la terre !
Je frotte mes yeux, je me rapproche de la balustrade et là, surprise, la ville de Rio de Janeiro ! Je vois pour la première fois le Corcovado ! La plage de Copacabana! Et le pain de sucre ! Wouha ! Je suis scotché ! Émerveillée ! Stupéfait ! La lumière douce du soleil levant illumine ces merveilles. Je voudrai arrêter le temps ! Maintenant ! Stop ! Pause ! Mute !!! (On ne sait jamais ! Peu-être que le temps peu être arrêté en pressant le bouton « mute »...) Mais non, rien n'y fait. Le soleil se lève et je reste sur le pont, assis sur ma chaise longue avec un thé chaud et sucré dans les mains. Magique ! Réel moment de solitude jouissive !
En effet, Rio, c'est très beau ! Une succession de baies somptueuses, de superbes plages de sable fin avec juste derrière un bouleversement géographique, un puzzle de reliefs indescriptibles recouverts de forêts tropicales... La mer, la montagne et la forêt ont trouvés ici un accord parfait ! Cela dépasse toutes les imaginations possibles ! C'est simplement magnifique !
Le capitaine a fait prendre encre au cargo au large de la baie (toujours pour attendre l'autorisation d'entrer au port) et le spectacle est magistral ! Presque indécent de beauté ! Je ravise ce que j'ai écrit quelques lignes plus haut, voilà maintenant les plus belles côtes terrestres qu'il m'est été donné de voir jusqu'à présent ! Nous n'entrons dans le port que dans la soirée pour y faire une escale de 12 heures seulement !
Je tente de négocier mon débarquement définitif du bateau ici plutôt qu'a Buenos Aires mais les officiers de Grimaldi me trouvent tout un tas de raisons administratives pour m'empêcher de descendre du bateau... Je leur forcerai un peu la main, mais sans succès, les ritals sont vraiment incorruptibles... De plus, il nous est impossible de descendre du bateau la nuit et au petit matin les officiers nous annonces que nous repartons vers 10h, nous n'avons donc pas le temps de mettre pieds à terre à Rio ! Nous sommes tous très frustrés surtout que le navire à un problème mécanique au moment de repartir et nous restons coincés au port jusqu'à 16h...
Nous aurions largement eu le temps de faire un petit tour de la ville... Nous n'aurions peu-être pas vue grand chose mais cela nous aurais fait du bien de voir autre chose que ce maudit cargo ! Tant pis, je reviendrai à Rio par la route, avec ma belle, et nous prendrons le temps de visiter la ville.
Nous reprenons la mer, prochaine escale, Santos, ville portuaire de Sao Polo, situé à une centaine de kilomètres au Sud-Ouest. L'étape suivante sera l'arrivé, Buenos Aires ! Il est temps qu'on arrive, j'en ai marre de ce rafiot, je suis trop impatient de fouler les terres Sud-Américaines maintenant. 2 semaines était prévu pour faire le voyage, nous en mettrons finalement 3... Et cela commence à être vraiment long...
Tous les passagers tournent en rond sur le bateau, et il faut le dire, nous nous faisons royalement chier ! Nos journées sont longues et ennuyeuses, les seules occupations sont manger, observer l'océan, et dormir...
Évidemment nous comblons les heures creuses par de la lecture, de la musique, des films, par l'étude cartographique de l'Amérique du Sud, et par l'apprentissage de l'Espagnol, mais les journées sont longues et répétitives.
Cela me laisse aussi beaucoup de temps pour écrire et pour vous pondre cet article au moins 2 fois plus long que les précédents. J'espère que vous appréciez quand même, sinon, rien de vous empêche de vous arrêter là !
Moi en tout cas, je ne peu stopper mon écriture, j'aime trop ça maintenant !
Honnêtement, 2 semaines de cargo c'est bien le maximum, au delà, il n'y a plus de livre à lire, plus de film à regarder, et plus de musique à écouter et les heures deviennent vraiment très longues ! Nous n'avons plus grand chose à nous dire entre passagers car il ne se passe rien, et rêvons tous de reprendre nos véhicules respectifs et d'avaler du kilomètre avec plaisir !
Julgen avec son 4x4 Toyota tout équipé pour voyager, le couple Glerk avec leur camion Mercedes tout équipé aussi, ressemblant à un vrai camion du Dakar, Christian et Katja avec leurs vélos, et moi bien sûr, avec ma chère et tendre Transalp ! Nous discutons longuement de nos futurs trajets respectifs et il y a de très grandes chances pour que l'on se recroise tous sur les routes d'Amérique du Sud.
Celui avec qui je m'entend le mieux, c'est Julgen ! Âgé de 66 ans, il vient de prendre sa retraite en Allemagne et part barouder quelques mois en entre l'Argentine et le Chili, avant d'y installer sa voiture définitivement et d'en faire une sorte de maison secondaire !
Il aura donc sa maison à Hambourg, en Allemagne et son Toyota à Cordoba, en Argentine. Il jonglera avec les 2 continents au grès de ses envies ! Nous nous entendons bien, car outre le goût du voyage en commun, il y a un autre point qui nous relis : les Austin Mini !!! Il en a 8 !!! Toutes dans un état irréprochable, c'est un passionné ! Il a même un modèles d'exception de 1965 qui me laisse rêveur ! Je passe des heures à éplucher son album photos et nos discutions sur le sujet durent des jours ! Il m'en fait regretter d'avoir vendu la mienne avant de partir ! Mais je me le jure, un jour, je m'en rachèterai une ! Il connais très bien l'Amérique du sud pour y avoir fait déjà plusieurs périples, et me donne des coins d'exceptions à visiter et quelques renseignements précieux qui me servirons, j'en suis certain. Mon parcours à moi n'est pas vraiment encore définit, je veux descendre vers le sud en premier, vers la terre de feu, vers le bout du monde, puis remonter par la cordière des Andes, au Chili.
Ensuite je verrai bien. Je voudrai voir l'Uruguay, la côte Sud-Est du Brésil, le nord de l'Argentine, le Paraguay, puis la Bolivie, le Pérou, l’Équateur, et la Colombie. Ce qui fait un paquet de kilomètres donc je ne fixe rien à l'avance, nous en discuterons sur place avec la moto, elle a aussi sont mot à dire ! Et puis il va falloir que je bosse un peu car l'argent pour financer tous ces kilomètres ne tombe pas du ciel et mes économies sont maintenant plus proche du zéro que jamais. Il est temps de se renflouer un peu et de chercher de nouveaux sponsors aussi ! J'en ai déjà un qui vient de s'ajouter à la liste de mes partenaires, un fournisseur de tente qui vient de créer un nouveau modèle spécial moto. Je devrais la recevoir courant avril où mai, merci à toi Fred pour ce partenariat, je ferai échos de ton produit à travers le monde.
Avis aux autres intéressés : Je serai ravis de porter vos couleurs jusqu'à l'autre bout du monde en échange de quelques piécettes !
Santos ! Nous y voilà ! Cette fois ci nous accostons vers 11h du matin, je vais enfin pouvoir passer une après-midi à terre ! Après le déjeuner, je vais voir le second maître et il m'indique que nous repartons vers 22h, j'ai donc du temps, une permissions de sortie en quelque sorte!
Je sors du port et prend le premier bus qui passe. Le chauffeur me dit en fait que c'est un bus spécial pour les employés du port et qu'il ne peu m’emmener au centre ville. Je commence à descendre mais celui-ci me rattrape et me dis en Portugais que si je veux, il peut m'emmener là ou il y a les bus de ville. Je lui demande combien il veux pour ça. Gratis il me dit! Ok, parfait alors ! Et il me dépose 10 minutes plus tard à une station de bus. Je le remercie infiniment et commence à descendre, mais là encore il me rattrape ! Il tente alors de me vendre une belle Bible toute neuve en Portugais et m'explique que Dieu notre sauveur nanani, nananan...
Je refuse et descend du bus en lui disant que je suis Juif, ascendant Nazis et que j'ai déjà mon Coran, dédicacé par George Bush Junior en personne, au fond de ma poche ! (Je ne pense pas qu'il est compris ma blague, où en tout cas, ça ne l'a pas fait rire...). Moi sur le coup, je me suis fait marrer. Je suis donc maintenant dans la ville, je ne sais pas du tout ou, je n'ai pas de plan, je ne parle pas Portugais, je suis seul et je n'ai que 10 Reais sur moi (environ 4€).
Je décide donc de marcher plutôt que de prendre le bus en fait. Je n'ai qu'une après-midi pour découvrir la ville et en bus où en taxi je ne verrai pas grand chose. Je me met donc en marche dans la direction opposé du port, vers le centre ville mais aussi vers la plage ! Je déambule dans les rues, je me fond dans le décor pour passé inaperçu et marche ainsi une bonne heure avant de tombé sur une grande rue qui me semble mener directement à la plage.
30 minutes plus tard j'y suis ! La promenade de la plage ! Et la bizarrement tous le monde me regarde ! Je ne passe plus inaperçue du tout... Je ne comprend pas tout de suite pourquoi et puis d'un coup ça fait, tilt ! Ils sont tous à poils !
Enfin tous en maillots ! Où plutôt tous avec un bout de tissu d'à peine 20 grammes couvrant uniquement leurs parties génitales. Forcément moi, avec mon short et ma chemisette, je fais tâche ! Je me met donc torse nu et d'un coup ça va mieux. Les Brésiliens vivent donc tous à poils, où presque !
J'arpente la rue longeant la plage et c'est simple, ils sont à poils partout. Dans les cafés, dans les restaurants, dans les super-marchés, dans les boutiques, dans leurs voitures, sur leurs motos, partout ! Bon ok c'est un mode de vie, pourquoi pas ! Les femmes en bikinis et les hommes en moules-bites ! Le culte du corps est ici un état d'esprit général, chacun veut s'exhiber et impérativement montrer ses formes. Je gambade donc le long de la plage puis je mis assoit et contemple ce spectacle.
L'océan Atlantique forme de belles vagues ou de nombreux surfeurs s'y amusent. Il fait 35° à l'ombre, pas de nuage, pas de vent, juste du soleil et des nanas ! Et quelles nanas ! Mais il y a une chose dont personne ne parle sur les plages Brésiliennes. On en parle pas dans les guides, on ne voit pas ça sur les cartes postales, ni dans aucun documentaire animalier, ni rien ! Personne ne parle de l'échouage massif de centaines de baleines sur les côtes du Brésil !!! C'est inadmissible !!! Un tel rassemblement de cétacés devrais pourtant attirer l'attention non ? L'on devrais intervenir, tenter de les remettre à l'eau pour les sauver, où au moins prévenir Green Peace ! Voir autant de si gros spécimens sur cette plage de sable fin sans que personne ne réagisse, c'est criminel ! Le culte du corps d'accord, mais pas quand on fait 200kg ! Voir des baleines humaines en strings et en moules-bites, franchement il y a mieux pour se rincer l’œil !!! Bon, heureusement il reste des cas bien plus attirantes pour sauver notre humanité en dérive. De superbes créatures venues d'un autre monde pour reconquérir la terre et anéantir l'espèce baleino-humaine. Je n'ai rien contre les baleines qu'on soit bien d'accord ! Et je n'ai rien contre les humains non plus d'ailleurs, quoique ça dépend lesquels... Mais ce mélange des deux espèces, franchement non ! Je ne sais pas quel savant fou à encore voulu faire une expérience douteuse, mais en tout cas c'est un total échec ! Vouloir faire s'accoupler un homme et une baleine... Non mais quelle idée !
Je passe donc une bonne partie de l'après-midi sur la plage avant de retraverser la ville à pied pour regagner le Grande América. Cette ville n'est pas tellement jolie et n'est faite que de bâtiments de béton moderne sans intérêt.
Une ville balnéaire comme les touristes adorent !
Ça me fait du bien de marcher, je sens que mes jambes me remercie, après deux semaines à piétiner sur le bateau, faire cette quinzaine de kilomètres est un vrai plaisir. Mais au retour, je me perd un peu dans la ville et même si je sais que je suis dans la bonne direction, je ne sais absolument pas ou je suis et ou je vais. Je sais que le port est vers le Nord et le Nord c'est par là ! Alors je marche ! Je fini par tomber devant un long tunnel pour automobiles avec un petit passage pour piétons mais je redoute de le prendre et de ressortir de l'autre coté du canal du port.
Le tunnel plonge sous une montagne ou une petite favelas est implantée. Du pont du cargo, je voyais cette montagne donc j'estime que le port doit être juste dernière. Deux solutions, prendre le tunnel où grimper dans la favelas.
C'est décidé, je grimpe ! Les favelas Brésiliennes ne sont pas vraiment les meilleurs endroits pour un étranger mais j'aimerais bien voir à quoi ça ressemble quand même ! Je gravit donc la bonne centaine de marche pour y accéder et grimpe ensuite la montagne par la route qui mène au sommet. Rien de bien méchant dans tous ça, le quartier est un peu plus délabré et pollué que le reste de la ville c'est vrai, mais cela me rappel l'Afrique, particulièrement certain quartier nord de la ville de Ziguinchor.
J'arrive en haut en 15 min et vois le bateau à quai, c'était donc bien par là ! Quand j'arrive en bas, je vois la sortie du tunnel, il passait donc juste sous la favelas, mais impossible de le savoir à l'avance ! Je regagne le cargo, il est 20h, je suis épuisé de cette marche, mais qu'est que ça fait du bien ! Nous repartons dans la soirée, cette fois ci pour notre destination finale, Buenos Aires, à 3 jours de mer !
Changement de programme !
Le lendemain matin, j'apprends avec dégoût que nous ferons une nouvelle escale avant la capitale de l'Argentine ! Et pire, que cette escale se trouve après la ville de Buenos Aires, à environ 150 km à l'Ouest en remontant le fleuve Rio Plata. Il s'agit de la ville de Zàraté, nous y resterons plus de 2 jours à quai avant de repartir en arrière... Tous les passagers sont d'abord dégoûtés, puis énervés d'un tel changement, nous voulons tous quitter le bateau à la prochaine escale, quoi qu'il advienne !
C'est la mutinerie à bord ! Une négociation musclée commence donc avec l'équipage et avec le second maître en particulier. Mais les papiers d'immigrations ne nous autorisent à descendre avec nos véhicules qu'à Buenos Aires et Buenos Aires seulement ! Les seuls qui ont le droits de quitter le cargo sont Christian et Katja car ils sont en vélo ! Il n'y a pas de cartes grises pour les vélos...
Nous sommes donc contraints et forcés d'attendre encore une semaine avant de pouvoir débarquer définitivement. Cette semaine me semblera éternellement longue... Je suis en manque de liberté et le fait de devoir rester enfermé sur ce bateau commence à monter au crâne. Je ne suis pas claustrophobe, mais je déteste être « obligé » de rester enfermé quelque part. La prison serait pour moi tout bonnement impossible à vivre !
Je me suis d'ailleurs toujours dis que si cela devais m'arriver un jour, je ferai absolument tout pour m'en enfuir, quoi qu'il m'en coûte ! Mais je n'ai pas l'intention d'en visiter une de si tôt, j'ai déjà ma prison flottante qui me fait traverser l'Atlantique, c'est déjà largement suffisant ! Heureusement, les heures de promenade n'y sont pas limitées et je peux flâner sur le pont autant de temps que je veux !
Je suis par contre devenu insomniaque depuis que nous sommes reparti de Santos et comme dormir était l'une de mes activités favorites sur ce bateau, je suis bien embêté ! Il ne me reste plus que manger et regarder l'océan comme activités principales ! Et je commence à saturer sur la bouffe bien cuite du cuistot rital et parler avec l'océan, ça va 5 minutes, il vous répète toujours la même chose ! Il est vraiment temps qu'on arrive, mon envie de cigarettes reprend de plus belle, je suis à 2 doigts de craquer et d'acheter un paquet sur le cargo, paquets détaxés en plus, mais je tiens le coup, je serre les dents ! Plus que quelques jours et le juge me rend ma liberté !
Nous voici maintenant à l'embouchure du fleuve Rio Plata, entre Uruguay et Argentine, on aperçoit Monte-Vidéo à l'horizon. L'eau n'a plus le bleu de l'océan mais le marron de la terre. Nous entrons dans les terres. L’Amérique du Sud à gauche, l'Amérique du Sud droite! L’Argentine à bâbord, l'Uruguay à tribord ! Nous avançons petit à petit et l'étau se resserre, les rives se rapprochent d'un coté comme de l'autre.
Nous passons devant Buenos Aires... Nous y reviendrons dans 3 jours... Nous accostons au port de Zàraté vers 22h ce soir là et est prévu 48 heures d'escale environ. La quasi totalité du cargo y est déchargée et une quantité astronomique de voitures sort des entrailles du monstre. Toutes neuves et de toutes marques, je ne pensais vraiment pas que ce cargo pouvait en contenir autant ! Nous en profitons avec Julgen pour aller faire un tour dans cette petite ville. Je découvre enfin l'Argentine et je dois dire qu'au premier abord, j'ai l'impression de débarquer en Europe. Ça me change de l'Afrique, c'est sur !
J'entame mes premières conversations en Espagnol et j'arrive plutôt bien à me faire comprendre. En revanche, je ne comprend absolument rien ! Les Argentins parlent très vite et je comprend à peine un mot sur dix... Ça risque d'être épique ! Mais je vais mis faire, j'en suis sur... En tout cas j'y crois ! Nous retournons ensemble au centre ville le lendemain pour finir les quelques emplettes que nous avions commencer, et passons quelques heures à la terrasse d'un café.
Ça nous fait du bien de retrouver la civilisation ! Et internet aussi !
Nous n'avions aucune connexion à bord et nous passons donc un bon moment à éplucher nos mails. Retour ensuite sur le bâtiment Italien pour la soirée, nous devions quitter le port dans nuit mais une quantité faramineuse de Volswagen doit être embarquée à destination de Berlin et cela prend plus de temps que prévu... Décidément, ce voyage s'éternise...
Le bateau quittera le quai de Zàraté vers 11h du matin le samedi et nous repassons à nouveau devant Buenos Aires dans le courant de l'après-midi... Nous n'avons pas l'autorisation d'entrer au port alors nous repartons vers la mer pour y jeter l'encre et attendre... Encore attendre...
Passer 2 fois devant notre destination finale, il n'y a pas mieux pour entretenir une frustration générale... Nous, les passagers, n'en pouvons plus, nous voulons quitter ce cargo une bonne fois pour toute avant d'y prendre racine !
Ce samedi soir, nous apprendrons que nous n'aurons le droit d'accoster que le dimanche dans la nuit... L'attente est tout simplement interminable... Je prends sur moi pour éviter de craquer, la tentation de finir ce voyage à la nage ma traversé l'esprit...
Mais hors de question de laisser mon bolide entre les mains de ce monstre d'acier et je ne lui ai pas encore appris à nager... Je patiente donc encore et encore, jusqu'à que nous touchions le quai de Buenos Aires avec le flanc du navire.
Enfin ! Il était temps ! Je vais pouvoir chevaucher ma belle qui dormait sagement au dock 6 depuis 3 semaines et 1 jours. Elle a dû trouver le temps long... Au moins autant que moi ! Mais à la différence que elle, n'avait pas la vue sur l'océan...
Bon voilà, maintenant fini la rigolade ! Fini l'utopisme à 2 balles. Fini la recherche de liberté suprême. Fini la recherche de bonheur partagé. Fini de voyager au grès du vent. Je veux porter un costume branché tous les jours. Je veux bosser pour une multinationale qui écrase le tier monde. Je veux faire du profit à tout prix. Je veux le dernier Iphone. Je veux une grosse montre criarde calée à l'heure GMT ! Je veux 6 zéro sur mon compte en banque. Je veux un appartement sur les Champs-Elysées. Je veux un S.U.V pour me déplacer en ville. Et je veux surtout, une retraite dorée à 45 ans, pour pouvoir voyager et profiter de la vraie vie !
MES FESSES OUI !!! La vraie vie c'est maintenant où jamais !!! Viva Liberta !!!Je met un coup de démarreur, j'enquille la première et descend la rampe du cargo. Une seule idée en tête, ne rien regretter ! Post-scriptum: Ce que je retiens de ce voyage en cargo ? L'océan évidemment ! Sa grandeur et sa beauté ! Le ciel rouge au moment ou le soleil disparaît à l'horizon ! La chaleur qu'il fait sur le pont, à midi, en plein soleil, au niveau de l'équateur ! Les 7 coupures moteur au milieu de l'Atlantique ,nous laissant comme un bouchon à la dérive ! Les Philippins mangent du riz à tous les repas ! Comme les Africains ! Les Allemands diluent le vin avec de l'eau ! Christian déguste les pieds de porc comme je déguste un steak tartare ! Le capitaine est un con ! Non, pardons. Un connard ! Gerry, le stewart est finalement très sympa ! Mon anglais est catastrophique ! Mon Espagnol est inexistant ! Mon français à penne mieux ! Ma liberté est un besoin et non pas une envie ! Il serait peu-être temps que j'aille chez le coiffeur, je peux maintenant presque me faire une queue de cheval ! La cigarette est une envie et non pas un besoin ! Il ne faut pas coincer le fil de ses écouteurs audio à travers une porte étanche ! Mon appareil photos ne marche presque plus ! Avoir une longue réflexion en solitaire au milieu de l'océan, c'est comme lire un livre avec des pages blanches, au début, on se demande pourquoi et finalement, on s'aperçoit que c'est évident...